La série Œcoumène d’Emilie Traverse est faîte d’archipels, de potentiels d’images des mondes, passés, présents et à venir, où l’émergence des dynamiques provient de la lecture des images, lorsque chacune devient un objet partiel présupposant un rapport dont il dérive.
Comment fonctionne une image ? Comment une image peut-elle fonctionner avec une autre, avec un ensemble ou avec d’autres ? Telle est l’ambitieuse réflexion qu’elle tente de mener. Et sans retenue ni pudeur, elle nous invite à reconsidérer la valeur d’autonomie trop rapidement donnée aux images photographiques, pour la réassigner aux signes, aux espaces, et aux écarts. Confrontations d’images au premier regard hétéroclites, juxtapositions indicielles, ou rapprochements formels ; images seules, diptyques, triptyques ; formats de toutes tailles ; supports différents : contre-collages, affichages ; telle est l’allure de ce travail, toujours en mouvement.
Mais ce surgissement d’associations précaires à première vue, d’accords qu’on pourrait croire formés au hasard, à y regarder de plus près sont d’une efficacité redoutable. À la seconde lecture, ce sont hiatus, faux raccords, césures, coupures et déchirures, intervalles et écarts qui se composent formellement, mais aussi par allégories : dans le plan de l’image et dans les espaces auxquels ils renvoient ; du passage d’une image à une autre par un jeu de liens formels ou symboliques ; ou encore aux temps et aux lieux auxquels se réfèrent les sujets.De lignes discontinues en éléments disjoints, de figures en paysages, de détails en grands travaux, c’est tout le monde connu, cette terra cognita, qu’Emilie Traverse convoque, reconstruit, comme un équilibriste sur une ligne ténue, disposant, ajustant, reconsidérant chaque chose, chaque sens et chaque signe à l’aune des autres, c’est-à-dire de ceux qui s’ajoutent au fur et à mesure de ce perpétuel agrégat, comme à ceux qui adviennent avec lui.
Il s’agit bien de niveaux de lectures qu’Emilie Traverse manie avec dextérité, et à la manière d’un peintre tel que Shirley Jaffe, elle dissimule et dilue conjugaisons, ligatures, liaisons, accords et ponctuations entre les signes, investissant les relations entre signifiant et signifié. Elle nous pousse à voir le contexte, à nous poser la question de la complexité, à regarder autour de chaque chose, à penser qu’elles n’existent jamais seules et qu’elles cohabitent. Ainsi après chaque excitation rétinienne induite chez nous comme par le déchiffrement de hiéroglyphes inconnus, le sens se construit entre les liens, entre les images, entre chaque ensemble, entre les choses. Et c’est à l’intérieur de ces écarts que l’artiste travaille, car elle est une faiseuse d’interstices au doigté tantôt délicat, aux ongles tantôt grinçants, qui toujours nous renvoie à nous poser cette question : et si c’était à l’intérieur de cet écart entre que naissaient les choses ?
Jérome Michel, 2012.
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The series Œcumene of Emilie Traverse is a ridge of archipelagos, of potentials images of worlds, past, present and future, where the emergence of dynamics comes from the reading of images, where each image becomes a part presupposing a relationship that it is derived from.
How does an image work? How can an image work with other one or with a group or a set of other images? This is the ambitious thinking that she tries to pursue. Without restraint or modesty, she invites us to reconsider the value of autonomy which is too quickly given to photographic images, to reassign it to the signs, to the spaces, and to the gaps. Confrontations of disparate images at first glance, juxtapositions of clues or formal reconciliations; single images, diptychs, triptychs, formats of all sizes; different media: laminating, displays, this is the style of her work, always in motion. We could think at first sight that the emergence of precarious associations is formed randomly but at a look it more closely it is incredibly effective. At the second reading, it is a hiatus, false connections, hyphenations, cuts and tears, intervals and gaps which appears formally, but also by allegories: in the planes of the image and in the space to which they refer, from the passage of one image to another by a set of formal or symbolic links, or even to times and places which the subjects refer to.Through Broken lines through separate elements, through figures through landscapes, through detail and through major works, it’s all the known world, this terra cognita, that Emilie Traverse convene and rebuild like an acrobat on a thin line, placing, adjusting, reconsidering each thing, each sign and each sense in relation to others, that is to say, those which are added time by time to this perpetual aggregate, and like those which occur with it.
There is indeed some levels of reading that Emilie Traverse handled with dexterity, and in the manner of a painter like Shirley Jaffe, she hides and dilutes conjugations, ligatures, bonds, links between the signs and punctuation, investing relationships between signifier and signified. She pushes us to see the context, to ask us the question of the complexity, to look around each thing, to think that they are never alone and that they coexist. So after each retinal excitation induced to the spectator like the decipherment of unknown hieroglyphics, the meaning is constructed between the things, between the images, between each set, between the links. It is inside these differences that the artist works, because she is is a maker of gaps which sometimes are delicate, sometimes are with scratching nails, which always reminds us to ask ourselves this question: what is inside this "gap between" which sprung up the things.
Jérome Michel, 2012.